Poursuite des entretiens sur les utopies, Guillaume Boccara donne cette fois la parole à Julia Cagé qui a publié en 2018 "Le Prix de la Démocratie" .
La Démocratie telle que nous la connaissons a d'abord été une pure utopie alors que le siècle des lumières préparait la Révolution qui a permis son avènement.
Le difficile cheminement et la difficulté de maintenir ses principes ont montré qu'elle n'est pas un état de nature, et qu'il faut en permanence en questionner ses fondements et son fonctionnement.
les premières expressions du suffrage universel, l'un des ses piliers, ont posé très tôt la question de son financement avec la mise en place du suffrage censitaire, la négation même de son principe.
On consacrait alors l’usage du vote aux hommes possédants, loin d'une universalité que pourtant un certain nombre, dont Robespierre, qualifiés de radicaux, revendiquaient. Il faudra attendre 1945 pour obtenir cette universalité complète tant espérée avec le droit de vote enfin accordé aux femmes.
La Bourgeoisie possédante au pouvoir pratiquement sans discontinuité depuis 1789 avec de rare parenthèses sociales a finalement contourné le problème, en participant massivement aux financement des élections et donc des partis.
C'est l'objet du très bon bouquin de Julia Cagé, s'appuyant sur une étude historique des financements privés et publics de la démocratie dans une dizaine de pays sur plus de cinquante ans, ce livre décortique les modèles nationaux et y dresse un constat accablant:
Elle démontre comment les riches orientent leur argent vers des candidats qui mettent en œuvre des politiques favorables à leur intérêt. certes en Europe et en France des limites légales empêchent les abus du modèle Etats-Unien, mais n'en gomment pas les injustices.
Il s'agit plutôt d'un vernis d'égalité, somme toute bien craquelé par la crise démocratique et sociale profonde en cours.
L'ironie pointée dans sa démonstration, c'est que le système de défiscalisation des sommes versées par les plus riches font supporter à l'ensemble de la société leurs choix politiques. Les plus pauvres payent donc pour la mise en place de politiques qui leurs sont particulièrement défavorables.
l'élection Présidentielle de Macron en est un modèle du genre, avec 800 donateurs pour financer plus de 50% du budget de sa campagne. les plus riches ont massivement contribué mais aussi défiscalisé à hauteur de 60% de leur investissements électoraux.
Le plus intéressant étant les solutions proposées et détaillées pour résoudre ces injustices
elles permettraient finalement assez simplement de briser un mode de financement archaïque qui appartient plus au 19eme siècle qu'au 21e!
bonne écoute!